Anne-Marie Gloaguen, une « retraite » bien méritée
Anne-Marie Gloaguen a œuvré pendant de nombreuses années pour le gouren, notamment auprès de la Skol ar Faoued, la Fédération et la Fédération Internationale des Luttes Celtiques (F.I.L.C). Aujourd'hui, elle décide de laisser la place aux plus jeunes et de savourer la lutte en tant que spectatrice. Anne-Marie nous raconte le pourquoi du comment… De son arrivée dans le gouren à son travail pour la valorisation de la pratique féminine. Découvrez cette belle histoire ….
Anne-Marie, qu'est-ce qui t'a amenée au gouren ?
Ma découverte du gouren remonte à 1962, au stage de Kevrenn ar Yezh (Kendalc’h) à Commana, où Per Berdellou, de Guerlesquin, avait été invité à initier au gouren, en breton, les stagiaires - les hommes, bien entendu ! Les filles étaient dans leur rôle de l’époque: spectatrices. Et le spectacle m’avait fascinée. Il s’est trouvé que, par la suite, j’ai épousé le fondateur de Skol ar Faoued, et le gouren est devenu un élément familier de mon univers. Lorsque j’ai éprouvé le besoin de pratiquer un sport (NB: en loisir exclusivement, car j’avais passé l’âge de viser la compétition), je ne suis pas allée chercher bien loin, et j’ai assumé le secrétariat de la skol par la même occasion. Quels sont les postes que tu as occupés au sein de la Fédération/skol pendant toutes ces années ? Je suis secrétaire de Skol ar Faoued depuis 1986 (je ne crois pas me tromper sur la date) ; j’ai été membre du Comité Directeur pendant la décennie 90, puis de 2004 à 2008 ; j’ai participé à plusieurs commissions ; j’ai aussi été secrétaire, puis trésorière du Comité du Morbihan de Gouren.
Tu as travaillé pendant de nombreuses années sur la structuration de l'activité féminine dans le gouren. Quel est ton sentiment aujourd'hui sur l'évolution de la pratique féminine ?
Les benjamines et les poussines des années 1990 ont fourni un énorme travail de formation, continu, exigeant et obstiné, et nous en voyons à présent les résultats : d’une part, nous avons des compétitrices et des encadrantes techniques susceptibles de servir de modèles aux jeunes lutteuses de maintenant ; d’autre part, ces pionnières ont changé le regard de la société qui nous entoure sur le gouren, qui n’est plus systématiquement ni exclusivement associé aux hommes ; c’est très important. Philippe Lozac’h me disait récemment qu’il serait volontaire, le cas échéant, pour encadrer à nouveau un stage féminin. C’est une proposition trop belle pour être négligée. Elle s’adresse aux jeunes compétitrices et aux skolioù soucieuses de les voir progresser.
Pourquoi avoir, à l'époque, voulu mener cette action de valorisation et de structuration de la pratique féminine ?
D’abord et avant tout, je n’étais pas la seule à le vouloir : c’est précisément parce qu’une demande existait, parmi des filles bien plus jeunes que moi, que nous avons été quelques-un(e)s à souhaiter que l’activité féminine, à la Fédération, soit organisée. Tout était à faire, ou presque : communication, recrutement, formation, création de catégories d’âge et de poids, organisation de compétitions. C’est l’AG fédérale extraordinaire de Janvier 1988 qui a pris la décision d’assumer ce travail, et de créer, à cet effet, la Commission Féminine.
Aujourd'hui, la Fédération a dans ses rangs de nombreuses Championnes d'Europe titrées en individuel et par équipe. Tu y es pour quelque chose. C’est une fierté pour toi ?
Fierté, que non ! Ce n’est pas moi qui brandis le Trophée Mac Donald (NDLR: La coupe des championnats d'Europe par équipe féminine). Une grande satisfaction, oui, à coup sûr ; la même, certainement, que peuvent éprouver tous ceux et celles qui ont participé à la mise en place de l’activité féminine : notamment les moniteurs bénévoles qui ont consacré tant de week-ends à encadrer nos stages, et Jean-Pierre Jaouen dont l’aide indéfectible, l’expérience et la réflexion nous ont, heureusement, accompagnées dès le départ. Si je peux être fière de quelque chose, c’est d’appartenir à une Fédération responsable, qui a mis consciencieusement et rigoureusement en application les décisions de l’assemblée générale extraordinaire de 1988.
Quelles autres actions as-tu menées en dehors de la valorisation de la pratique féminine ?
Longtemps membre de la Commission des Relations Internationales, j’ai assez souvent assuré la traduction lors de diverses réunions de la FILC, ainsi que la correspondance préparatoire aux rencontres et aux activités internationales ; j’ai participé à la tenue du bureau (appariements, commentaires) de plusieurs Championnats d’Europe, tant des Seniors que des Espoirs et des Féminines. J’ai aussi été membre de la Commission de Sélection, jusqu’en 2016. Et il m’est arrivé d’être chargée d’emmener de petites délégations de lutteurs ou de lutteuses au Pays de Galles, en Suisse, en Cornouaille britannique, ou encore au Championnat du Monde de Lutte Féminine, à Clermont-Ferrand.
Pourquoi souhaites-tu aujourd’hui prendre ta « retraite » du gouren ?
J’ai rejoint la commission des compétitions en 1988… Je la quitte aujourd’hui, avec le sentiment d’y avoir correctement travaillé et la conviction que d’autres, désormais, sont plus aptes que moi à effectuer les tâches requises : je n’appelle pas ça « prendre ma retraite » du gouren ! Je reste licenciée, encore secrétaire de Skol ar Faoued ; simplement, je vais enfin pouvoir être spectatrice aux compétitions, aux côtés de Martine Le Meur qui m’a tout appris du travail de la table.
As-tu un souvenir « gouren » que tu souhaiterais partager ?
J’en ai trop pour en souligner un en particulier. La Fédération m’a beaucoup donné. Grâce à elle - grâce à vous tous et toutes -, j’ai eu le privilège de côtoyer des personnalités hors du commun et des gens d’exception (tant dirigeants qu’arbitres, lutteurs, lutteuses) que j’estime profondément, que j’admire, souvent, et dont la fréquentation a été un enrichissement. Ça n’a pas de prix. Et ce n’est sûrement pas fini ! Merci à toutes et tous.