Historique
D'origine celte, pratiqué depuis des siècles, le Gouren ou la " Lutte Bretonne" est la lutte traditionnelle de Bretagne. Aujourd'hui rénové codifié et organisé comme un sport moderne, découvrez l'évolution du Gouren de ses origines à nos jours ...
Un sport jeune qui a traversé les siècles
Le Gouren, est un sport jeune puisque, aussi loin que nous amènent des témoignages historiques, il était déjà jeu d’opposition ayant pour but de mettre son adversaire sur le dos et non de le blesser ou le tuer. Il va probablement rechercher ses origines dans une lutte apportée par les Bretons de Grande Bretagne fuyant leur pays devant des tribus nordiques et migrant en Armorique entre les IVe et VIe siècles. Une hypothèse parle d’un mixage avec un style local du Haut Moyen Age.
Un jeu de tous les Bretons pratiqué et régenté par les nobles
Il n’y a pas de témoignages écrits connus sur les périodes très anciennes (Le roman de Brut de Wace et L’Historia Regum Brittaniae de Geoffroy de Monmouth parle au XIIe siècle du roi Arthur et des chevaliers de la table ronde qui pratiquent la lutte) mais la popularité manifeste du Gouren en Bretagne apparaît au Moyen Age.
Même si l’essentiel des écrits concerne la haute société, il était pratiqué par le peuple. Des prêtres même s’y adonnaient. Les seigneurs bretons l’ont pratiqué pour plusieurs, ils l’ont encouragé, ils avaient leurs champions. Leurs guerriers pratiquaient le Gouren comme art d’entraînement. Ces nobles pouvaient s’opposer par lutteurs interposés, pour la fête, le défi ou encore pour règlement d’un différend. Ils s’attribuaient le privilège féodal du droit à organiser des tournois de lutte
La Révolution française de 1789 a aboli les privilèges des nobles
L’organisation des tournois de lutte était marquée de l’image d’un privilège féodal, le Gouren perd alors de sa notoriété. L’église en rajoute à charge, un recteur cornouaillais proclame dans son sermon (1831) : «…toutes personnes qui iront aux luttes de St Kadou ne seront que des voleurs, des débauchés et de la canaille qui grilleront en enfer...», ces attaques visent probablement le côté festif et ses dérives plutôt que le Gouren. Il s’ensuit une réduction de l’aire de pratique du Gouren en Bretagne. Sa survie est due à la désobéissance et à l’impiété des paysans cornouaillais, du nord du Morbihan et du Trégor. Le gouren est devenu jeu des paysans. |
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Le Gouren et ses tournois populaires
De nombreux écrivains du XIXe siècle ont laissé des descriptions des tournois de Gouren et magnifié des lutteurs (E.Souvestre, A.Bouët, A.Brizeux…), plusieurs artistes en ont illustré leurs toiles (O.Perrin, H.Lalaisse, P.Gauguin,P.Sérusier…) et au début du XXe d’autres ont pris le relais (M.Méheut, R.Y.Creston...), accompagnés par des cartes postales. Ces cartes postales montrent souvent des publics importants regroupant tout «le pays». Les lutteurs se formaient dans la famille ou le voisinage, à la pause ou après les travaux, en guise de jeu. |
Les tournois organisés par des comités de fêtes étaient lieux de rencontres des lutteurs «d’ailleurs». On luttait pour l’honneur, le défi, le plaisir, le prestige de l’homme fort mais les prix aux vainqueurs pouvaient être conséquents : parfois un simple mouchoir ou un chapeau mais aussi un mouton, un taureau ou une somme d’argent.
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La guerre 14-18 faucheuse de lutteurs et les transformations sociétales affaiblissent le GourenLes jeunes bretons et donc les lutteurs ont payé un lourd tribut à la 1ère Guerre mondiale. L’exode rural commence à vider les campagnes et d’autres pratiques sportives apparaissent (football, vélo), la pratique du Gouren décline dans «ses fêtes». |
Un renouveau par la création d’une fédération de Gouren : la FALSAB
Le docteur Charles Cotonnec de Quimperlé, inquiet de la santé du Gouren parcourt la Bretagne pour évaluer la situation, il prend des contacts et dans l’élan du mouvement olympique il pilote la création de la FALSAB (Fédération des Amis des Luttes et Sports Athlétiques Bretons) en 1930.
La FALSAB règlemente et gère les tournois, ce n’est plus la prérogative des comités de fêtes. Elle désigne ses arbitres et le Gouren a un règlement sportif unique : la durée des combats est limitée, des catégories d’âges et de poids sont créées, des résultats intermédiaires au lamm apparaissent (le point «kostin», la faute «fazi»). Avant les combats les lutteurs prêtent un serment de loyauté, finis les serments empreints de mysticisme et de superstition. Ils ne luttent plus à même le sol, des pistes de sciure de bois sont utilisées en surface de combat pour assurer la protection des lutteurs.
Une évolution et une adaptation difficiles pour arriver à la Fédération de Gouren
La FALSAB fonctionne. Sur la période de la 2e Guerre mondiale il n’y eut pas de championnats et seulement quelques tournois. Le docteur Cotonnec décède en 1935, d’autres présidents dévoués et passionnés lui succèdent. La société évolue, l’exode des campagnes se poursuit. D’une société rurale au début du 20e siècle, la France va vers une société urbaine. A noter qu’en 1954 un décret ministériel octroie la gestion du Gouren en France à la FFL (Fédération Française de Lutte).
Le Gouren poursuit ses activités appuyées sur les fêtes locales. Bien sûr il y a quelques skoliou en région parisienne animés par des lutteurs «émigrés» mais il faudra attendre les années 1960 pour que le Gouren s’installe en quelques villes (Rennes, Brest, Quimper). Les anciens ont des difficultés à aller de l’avant et promouvoir des évolutions, des tensions naissent. En 1964 une 2e fédération se crée : BRUG «Breizhiz Reizh Unanet evit ar Gouren » qui adhère à la FFL et devient son comité de Bretagne, en 1974 BRUG devient BAG «Bodadeg Ar Gourenerien». Les deux petites fédérations de Gouren oeuvrent en parallèle et ouvrent des skolioù. Devant l’impasse de la situation quelques lutteurs des deux parties se rencontrent, quasi clandestinement au début puis, officiellement à partir de 1978.
Il aura fallu attendre 1980 et la création de la Fédération de Gouren pour que les lutteurs se réunissent à nouveau (encore qu’à ce moment un groupe éphémère crée la FALTSAB avec le «T» de «Traditionnelles»).
1980, La Fédération de Gouren est née !
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La Fédération de Gouren a travaillé à l’organisation du Gouren et a opéré autour d’un nouveau règlement sportif élaboré en commun entre la FALSAB et BAG. Elle a mis en œuvre des formations de cadres techniques, d’arbitres, de responsables de compétitions...Le Gouren féminin devient une pratique officielle. La délégation ministérielle pour la gestion du Gouren est toujours aux mains de la FFL. Plusieurs rencontres et échanges se tiennent, la Fédération de Gouren vise à obtenir cette délégation mais ce fut une fin de non recevoir du ministère. En 1995 la Fédération de Gouren adhère à la FFL, il en découle une certaine reconnaissance institutionnelle, le Brevet d’Etat pour les animateurs sportifs, et en 1998 le Gouren discipline optionnelle au baccalauréat. Puis en 2012 la Fédération de Gouren sort de la FFL mais sous convention car aux yeux du ministère l’interlocuteur Gouren demeure la FFL.
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En fin 1984 Ti Ar Gouren (Maison de la Lutte) est inaugurée. Par les actions de la Fédération de Gouren se crée la FILC (Fédération Internationale des Luttes Celtiques) en 1985, et de nombreux stages internationaux se tiennent à Ti Ar Gouren. La FILC gère les championnats d’Europe espoirs et adultes, tant féminins que masculins. En parallèle des stages et autres échanges internationaux se tiennent régulièrement. Ti Ar Gouren, petit centre de stages construit par le PNRA (Parc Naturel Régional d’Armorique) et agrandi en 2007, par la Fédération de Gouren et ses activités a pris dimension de centre régional du Gouren.
Plusieurs animateurs professionnels et quelques bénévoles interviennent en milieu scolaire pour faire découvrir le Gouren au plus grand nombre. La saison sportive du Gouren s’étale sur deux temps : la saison d’hiver, de novembre à mai, comprend les stages de formations et une trentaine de compétitions en salles sur pallennoù, et la saison d’été, de juin à août, connaît les tournois et exhibitions en plein air, en général sur la traditionnelle piste de sciure de bois, chaque week-end et souvent dans le cadre de fêtes.
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