Tournoi de Saint-Kadou 2025
Il y a des lieux où le temps suspend son vol. À la Saint-Kadou, hameau de Gouesnac’h situé en Cornouaille Finistérienne, c’est dans le creux d’un vallon bordé d’arbres et dominé par une chapelle séculaire que s’élève, chaque été, la lice mythique de la Saint-Kadou. Une arène de sciure, éphémère et sacrée, autour de laquelle se presse un public fidèle et passionné.
Car ici, on ne vient pas seulement pour voir des combats. On vient pour vivre le Gouren.
Une ouverture portée par la jeunesse

Avant que les figures bien connues de la lutte bretonne n’entrent en lice, ce sont les plus jeunes qui ont ouvert les festivités. Et avec quelle ferveur !
Dès les premières prises, l’émotion est palpable. Les enfants, en bragou et roched, montent sur la sciure avec un mélange de trac, de joie, et d’énergie communicative. Devant leurs familles et les habitués du tournoi, ils enchaînent les gestes appris à l’entraînement : tentatives de Taol Korn Revr, attaques timides ou pleines d’audace, saluts respectueux…
Loin de n’être qu’un échauffement, ce moment est un véritable hommage à la transmission. Il montre que le Gouren n’est pas qu’un sport : c’est une culture vivante, transmise avec passion de génération en génération. Les applaudissements résonnent fort. Car à la Saint-Kadou, on célèbre autant le panache que la victoire, la beauté du geste que le score.
Moins de 70 kg : Ludovic Lagadec solide sur tous les fronts
Le tournoi adulte débute fort : Frédéric Chaney (Skol Mein Zao) ouvre le bal face à Matilin Bescond (Kerhor) et s’impose rapidement par un lamm. Mais la compétition s’intensifie aussitôt avec l’entrée en lice de Mathurin Guilloud, tout juste sacré champion d’Europe espoir -57 kg en avril dernier. Léger, mais vif et stratégique, il réussit à dominer Frédéric Chaney puis Thomas Gaonac’h dans un combat acharné.
Le tournoi s’accélère. Mathurin Guilloud doit faire face à Ludovic Lagadec, champion d’Europe senior des -68 kg. Ce dernier prend rapidement l’ascendant. Imperturbable, Ludovic enchaîne ensuite les victoires : Corentin Le Guen est dominé, puis vient le tour d’Esteban Morel, lutteur quimpérois bien connu du public et adversaire régulier de Ludovic Lagadec.
Le combat est intense : attaques tranchées, contre-prises, moments de suspense… mais c’est bien Ludovic Lagadec qui sort vainqueur de ce combat et remporte une nouvelle fois le Chapeau Breton de la Saint-Kadou. Un trophée qui lui va décidément bien.
Féminines : Tiphaine Le Gall grave son nom sur le tout nouveau trophée
Si la Saint-Kadou est historique, 2025 marque une date symbolique : c’est la toute première fois qu’un trophée perpétuel est créé pour le tournoi féminin. Une reconnaissance attendue, forte, que les lutteuses ont honorée avec brio.
La catégorie féminine n’a pas été en reste, et le public a eu droit à un tournoi aussi engagé que technique. Maïwenn Salomon (Louergad) ouvre les débats face à la jeune Elowen Delorme (Pleiber), qu’elle domine avec justesse. Puis vient Elisa Tallec (Mein Zao), cadette, elle aussi prometteuse, qui donnera bien du fil à retordre à la senior.
Mais la suite du tournoi est marquée par le retour remarqué de Tiphaine Le Gall, qui ne tarde pas à imposer son style. Sa prise favorite, le Taol Peron Dre Zindan, fait mouche face à Maïwenn. Elle l’utilisera encore avec succès contre Flore Le Person (Trégunc), jeune lutteuse déterminée, mais dominée par l’expérience de Tiphaine.
Le dernier combat de la journée oppose Tiphaine Le Gall à Anaëlle Le Piolet, sa coéquipière lors des derniers Championnats d’Europe. Les échanges sont musclés, les attaques franches, le suspense entier. Mais un kein décisif de Tiphaine au dibenn vient clore la rencontre.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car le nouveau trophée féminin… a été conçu et fabriqué par Anaëlle elle-même. Une œuvre belle et symbolique, sur laquelle Tiphaine inscrit la toute première victoire d’une nouvelle ère pour les lutteuses de la Saint-Kadou.

Plus de 70 kg : Julien Rault soulève le Bélier de la Saint-Kadou
Les plus de 70 kg n’ont pas déçu. Dès les premiers combats, le niveau est élevé. Mickaël Sellin (Trégunc) ouvre avec conviction, et remporte son premier combat par Kostin, avant de tomber sur Hélouri Coail (Plouzané). Technique, précis et redoutable, Hélouri remportera son premier combat par Lamm. Ce dernier enchaîne face à Paul Le Person, puis affronte Youenn Moal (Pleiber), qui, frais et déterminé, parvient à placer un lamm sur le lutteur de Plouzané, relançant complètement le tournoi.
Il poursuit sur sa lancée en battant Sindbad Guegan (Faouët), avant de céder face à Julien Rault. Ce dernier continue sur sa dynamique, battant successivement Briag Henry, champion d’Europe +100 kg, dans un combat de haut niveau, puis enfin Arzhel Puillandre, l’un des favoris du tournoi.
Le combat final est à couper le souffle. Le public est debout, les encouragements fusent : « Allez Julien ! », « Allez Arzhel ! ». Sur la lice, les deux hommes donnent tout. Et au dibenn, c’est Julien Rault qui l’emporte, remportant ainsi le Bélier de la Saint-Kadou. Ému, le lutteur fait le tour de la lice, le bélier sur les épaules, salué par une ovation bien méritée.
Texte : Pauline Sellin
Photo des Enfants : Virginie Chaney
Photos combat : Olivier Thebaud
Photo Bélier : Pierre-Yves Danielo